Cours 1 : Cardinalité, Lemme d’Erdös, Formule du crible
Prof : Claudine Picaronny picaro@lsv.ens-cachan.fr
TD : Anthony Lick / Jeremy Dubut
“Maths discrètes” :
- bcp de combinatoire
- structures discrète
- probas
Chapitre 1 : Cardinalité
I. Ensembles finis
Généralités
- Ensemble fini :
-
un ensemble de card $n$ est fini ssi il est en bijection avec $⟦1,n⟧$
NB:
- Définition “qui se mord la queue” :
-
les entiers naturels sont en fait construits comme des cardinaux de classe d’éq d’ensembles (pour la relation d’équivalence : “être en bijection avec”).
∅ ≡ entier 0
-
- Notation : \(Card(E) ≝ \vert E\vert ≝ \#E\)
- Si il existe une surjection de $⟦1,n⟧$ sur $E$, alors $E$ est fini de card $\leq n$
- Si il existe une injection de $⟦1,n⟧$ sur $E$, alors $E$ est de card $≥ n$
Soient $E,F$ sont des ensembles fini de card respectifs $n, m$.
-
$E \times F$ est un ensemble fini de card $mn$.
-
$E ∪ F$ est fini et $\vert E ∪ F\vert \leq \vert E\vert + \vert F\vert$.
Plus précisément :
\[\vert E ∪ F\vert = \vert E\vert + \vert F\vert - \vert E ∩ F\vert\] -
$𝒫(E)$, l’ensemble des parties de $E$, est fini de card $2^n$.
Dém:
\[\begin{cases} 𝒫(E) &⟶ \{0,1\}^n \\ F &\mapsto (1_F(i))_{i ∈ E} \end{cases}\]est une bijection
-
Le nombre de bijections d’un ensemble de card $n$ est $n!$.
Coefficients binomiaux
Soit $k ∈ ⟦0,n⟧$.
- Coefficient binomial $\binom{n}{k}$ :
-
Cardinal de l’ensemble des parties de $E$ de card $k$ (qui est fini).
Identités :
-
\[2^n = \sum\limits_{k=0}^n \binom{n}{k}\]
car
\(𝒫(E) = \bigsqcup\limits_{k=0}^n \{\text{parties de $E$ de card $k$}\}\)
-
\[\binom{n}{k} = \binom{n}{n-k}\]
car le passage au complémentaire est une bijection (c’est même une involution) qui échange les parties de card $k$ avec celles de card $n-k$.
-
Le triangle de Pascal : si $n ∈ ℕ^*$ :
\[\binom{n-1}{k} + \binom{n-1}{k-1} = \binom{n}{k}\]Dém:
Il y a deux types de parties de cardinal $k$ : celles qui contiennent $n$ (et qui sont au nombre de $\binom{n-1}{k-1}$) et celles qui ne le contiennent pas (il y en a $\binom{n-1}{k}$).
-
\[\binom{n}{k} = \sum\limits_{j=k}^n \binom{j-1}{k-1}\]
Dém :
on partitionne l’ensemble des parties de card $k$ selon leur plus grand élément $∈ ⟦k, n⟧$
- Identité de Vandermonde : \(\binom{m+n}{k} = \sum\limits_{0\leq i \leq m, k-n \leq i \leq k} \binom{m}{i}\binom{n}{k-i}\)
Dém:
- Méthode 1 : On regarde le $k$-ième coeff de $(X+1)^{n+m} = (X+1)^n (X+1)^m$
- Méthode 2 : On partitionne l’ensemble des parties de card $k$ de $E∪F = ⟦1,m+n⟧$ selon les cardinaux des traces sur $E$ et sur $F$.
-
\[k \binom{n}{k} = n \binom{n-1}{k-1}\]
Dém:
-
Soit
\[X = \{ (i,𝕱), 1\leq i \leq k, 𝕱 ⊆ F, \vert 𝕱\vert =k \}\]Calculer $\vert X\vert $ de deux façons.
-
Nombre de façons de choisir un comité de $k$ personnes dont un président parmi $n$ personnes : soit on choisit déjà le président, puis $k-1$ autres personnes du comité, soit on choisit déjà les $k$ personnes du comité puis le président parmi elles.
Corollaire :
\[\binom{n}{k} = \frac{n!}{k!(n-k)!}\] -
Principe des tiroirs
Principe des tiroirs / Pigeon Hole :
Soit $f : E ⟶ F$ une application d’un ensemble fini $E$ dans un autre $F$.
Si $\vert E\vert > \vert F\vert $, au moins deux éléments ont la même image.
Applications :
Pumping Lemma :
Soit $L$ un langage rationnel :
$∃ N ∈ ℕ; ∀ 𝜔 ∈ L,$
\[\vert w\vert \geq N ⟹ ∃ x,y,z; \begin{cases} 𝜔 ≝ xyz ∈ L \\ \vert y\vert \leq N \end{cases} ∧ ∀n∈ℕ, xy^nz ∈ L\]
Exs:
-
${a^n b^n, n ∈ ℕ }$ non rationnel
Dém : Si il y a $N$ états, attention à $a^{N+1}b^{N+1}$
Lemme d’Erdös
Erdös : croyait que Dieu lui dévoilait le livre des mathématiques déjà préécrit petit à petit.
Lemme d’Erdös :
Soit $(x_i)_{i ∈ ⟦1, n^2+1⟧}$ une famille d’entiers naturels.
Alors il y a au moins une sous-famille croissante de card $n+1$ ou un sous-famille décroissante de card $n+1$.
Dém :
On note $c_i$ le card de la plus grande sous-famille croissante qui débute en $x_i$.
On note $d_i$ le card de la plus grande sous-famille décroissante qui termine en $x_i$.
ABS : $∀ i ∈ ⟦1,n^2+1⟧$ : \(\begin{cases} 1 \leq c_i \leq n \\ 1 \leq d_i \leq n \end{cases}\)
Donc par le lemme des tiroirs, il existe $i \neq j$ tq $(c_i, d_i) = (c_j, d_j)$
-
Si $x_i \leq x_j$ : on contredit la définition de $c_i$ puisque \(x_i \leq x_j \leq x_{j_2} \leq x_{j_{c_j}}\)
-
Idem si $x_i > x_j$ : on contredit la définition de $d_j$
Formule du crible / de Poincaré / Principe d’inclusion-exclusion
Dans un ensemble $X$, soient $E_1, …, E_n$ des parties de $X$.
\[\left\vert \bigcup_{1}^n E_i \right\vert = \sum\limits_{\substack{k ∈ ⟦1,n⟧ \\ 1 \leq i_1 < ⋯ < i_k \leq n}} (-1)^{k-1} \bigcap_j E_{i_j}\]NB :
- $\vert F\vert = \sum\limits_{x ∈ X} 1_F(x)$
- $1_{F^c} = 1_X - 1_F$
- $1_{F∩E} = 1_F \times 1_E$
⟹
\[\begin{align} 1_X - 1_{\bigcup E_i} &= \prod\limits_{1}^n (1_X - 1_{E_i}) \\ &= 1_X + \sum\limits_{k = 1}^n \sum\limits_{1 \leq i_1 < ⋯ < i_k \leq n} (-1)^{k} \prod_j 1_{E_{i_j}} \\ &= 1_X - \sum\limits_{\substack{k ∈ ⟦1,n⟧ \\ 1 \leq i_1 < ⋯ < i_k \leq n}} (-1)^{k-1} 1_{\bigcap E_{i_j}} \end{align}\]II. Ensembles Dénombrables
- Ensemble dénombrable (au sens strict):
-
ssi il est en bijection avec $ℕ$
NB :
- Si $f: ℕ ⟶ E$ est une bijection, $f$ permet d’énumérer les éléments de $E$ : \(E ≝ \{f(n) \vert n ∈ ℕ\}\)
- Un ensemble dénombrable au sens large est un ensemble qui est :
- soit fini
- soit dénombrable au sens strict
- Si $E$ et $F$ sont deux ensembles tels qu’∃ une bij de $E$ sur $F$, alors $E$ est dénombrable ssi $F$ l’est.
NB : Un cardinal = une classe d’éq d’ensembles en bijection.
Proposition : Soit $E$ un ss-ensemble infini de $ℕ$. Alors $E$ est dénombrable.
Dém : On sait que $ℕ$ est
- bien ordonné (cf. chap. 2) :
-
i.e dont toute partie non vide admet un plus petit élément.
On définit $f : ℕ ⟶ E$ par récurrence :
- $f(0) = \min(E)$
- Étant donné $n ∈ ℕ^*$, si on a construit $f(0), ⋯, f(n-1)$, on pose : \(f(n) ≝ \min(E\backslash\{f(0), ⋯, f(n-1)\})\)
Par construction, $f$ est injective (car $f(n) \neq f(0), ⋯, f(n-1)$), et même strictement (par injectivité) croissante.
Mq $f$ est surjective : soit $x ∈ E$.
- Cas 1 : $x = \min(E)$ : fini, car $x = f(0)$
- Cas 2 : L’ensemble $∅ \neq {m \vert f(m) < x} ∋ 0$ est fini (il s’injecte, par $f$, dans $⟦0,x⟦$).
Notons $n$ le maximum de cet ensemble fini non vide (il existe car l’ordre est total), et montrons que $x = f(n+1)$.
Comme $f$ est croissante et $f(n)<x$, $x > f(i)$ pour tout $i ∈ ⟦0, n⟧$. Par définition de $f(n+1)$, $x \geq f(n+1)$.
De plus, par définition de $n$, $\lnot (f(n+1) < x)$.
Donc $x=f(n+1)$. $\square$
Corollaire : Soit $E$ un ensemble tel qu’∃ une injection de $E$ dans $ℕ$. Alors $E$ est dénombrable au sens large.
Ex:
i) $ℕ$. ii) Pour $ℤ$ : \(\begin{cases} ℤ ⟶ ℕ \\ n \mapsto \begin{cases} 2n \text{ si } n\geq 0 \\ -2n-1 \text{ sinon.} \\ \end{cases}\end{cases}\)
iii) \(\begin{cases} ℕ\times ℕ ⟶ ℕ \\ (a,b) \mapsto 2^a 3^b \end{cases}\)
iv) \(\begin{cases} ℕ^n ⟶ ℕ \\ (a_1, ⋯, a_n) \mapsto 2^{a_1} 3^{a_2} ⋯ \underbrace{p_n^{a_n}}_{p_n : n\text{-ième nombre premier}} \end{cases}\)
NB: $ℙ$ n’est pas fini : cf. preuve d’Euclide : sinon, $\prod_i p_i + 1$ en est un nouveau (puisque tout nombre premier qui le divise divise 1).
Lemme : Un produit cartésien fini d’ensembles dénombrables est dénombrable.
v) $ℚ$ dénombrable : \(\begin{cases} ℚ ⟶ ℕ \\ x = 𝜀\frac p q \mapsto \begin{cases} 2^p 3^q \text{ si } 𝜀=1 \\ 2^p 5^q \text{ si } 𝜀=-1 \text{ et } p\neq 0 \\ \end{cases}\end{cases}\)
($𝜀 ∈ {-1, 1}, p∧q=1$)
Proposition: Soit $E$ un ensemble. Soit ${E_n}_{n∈ℕ}$ une famille de parties de $E$ toutes dénombrables. Alors $\bigcup_n E_n$ est dénombrable.
Dém : Pour $n$ entier, soit $f$ une injection de $E_n$ sur $ℕ$.
\(F : \begin{cases} \bigcup E_i ⟶ ℕ\times ℕ \\ x \mapsto (i, f_i(x)) \end{cases}\) où $i = \min{j \vert x∈E_j}$
Mq $F$ est injective : si $x, j ∈ \bigcup_n E_n$. Posons $F(x) = (i, f_i(x))$, $F(y) = (j, f_j(y))$
\[F(x) = F(y) ⟹ i=j ∧ f_i(x) = f_j(y)\]et donc $x=y$ par injectivité de $f_i$.
Exs: Ensembles non dénombrables :
- $ℝ$ :
Argument diagonal (Cantor)
Par l’absurde : Supposons $ℝ = {x_n}_{n∈ℕ}$
On considère le dvpt décimal de $x_n$ non cofinal à 9.
\[x_n = 𝜀_n E_n, u_1^n u_2^n u_3^n ⋯\]Posons $y = 0, v_0 v_1 ⋯$, où \(v_n ≝ \begin{cases} 0 \text{ si } u_n^n=1 \\ 1 \text{ sinon } \\ \end{cases}\)
Alors pour tout $n$, $y$ et $x_n$ diffèrent tous sur la $n$_ième décimale, donc $y \neq x_n$. $\square$
- ${0,1}^ℕ$ (et a fortiori $ℕ^ℕ$) est non dénombrable : idem.
III. Equipotence
- Équipotence
-
Deux ensembles en bijection sont dits équipotents.
Théorème de Cantor-Bernstein : Si il existe une injection de $E$ dans $F$ et une injection de $F$ dans $E$, alors $E$ et $F$ sont équipotents.
Dém : Dans le Chap.2
Ex:
- $ℝ$ et $ℕ^ℕ$ sont équipotents (cf. TD2)
Théorème de Cantor : Soit $E$ un ensemble. $E$ et $𝒫(E)$ ne sont pas équipotents.
Dém : Soit $f : E ⟶ 𝒫(E)$ une application surjective.
Soit \(X ≝ \{x ∈ E \vert x \not\in f(x)\}\) Montrons que $X$ n’est pas atteinte par $f$ :
Supposons qu’il existe $y ∈ E$ tel que $X = f(y)$.
- Si $y ∈ X = f(y)$, $y \not∈ X$
- Si $y \not∈ X = f(y)$, $y ∈ X$
Contradiction.
Hypothèse du continu : Toute partie non dénombrable de $ℝ$ est équipotente à $ℝ$.
NB: C’est indécidable dans ZFC.
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